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Le traître Ducatel

La Commune
La semaine sanglante

La terrible semaine sanglante va commencer, le 21 mai 1871. C'est un fédéré, un nommé Ducatel, qui va jouer les traîtres et indiquer aux Versaillais sous les ordres de Mac-Mahon, que le bastion 64 des remparts, situé près de la porte de Saint-Cloud, n'est pas gardé, qu'ils peuvent passer en toute tranquillité !

Un concert au profit des veuves et des orphelins

Gardes nationaux de la Commune de Paris
C'est une journée qui commence comme toutes les autres de ce radieux mois de mai, avec déjà sa petite routine révolutionnaire. A l'heure où, à Versailles, on célèbre la grand-messe avec une ferveur d'autant plus grande que l'on espère que le ciel va enfin triompher des bandits de la Commune, à Paris, en ce dimanche 21 mai, on tient un peu partout des réunions syndicales.
Les clubs, eux aussi, rassemblent leurs adhérents. Le dimanche, il n'est pas mauvais de commencer à discuter plus tôt que la semaine. Dans les quartiers populaires, c'est le va-et-vient quotidien des gardes nationaux qui boivent le coup de l'étrier au bistrot voisin avant de se diriger vers les vagues obligations qui s'attachent à leur état.
Pendant ce temps, sur la place de la Concorde, on met la dernière main aux préparatifs du grand concert qui va être donné dans l'après-midi, dans le cadre des activités culturelles de la Commune de Paris et au profit des veuves et des orphelins de la garde nationale.
S'il n'y a personne dans les bastions et sur les remparts des fortifications, où sont donc les hommes chargés de les défendre ? Soit chez eux, soit dans les maisons ou les cabarets d'Auteuil et de Passy, car ils ne voient pas la nécessité de demeurer systématiquement exposés au feu des Versaillais. Il faut constamment se souvenir que ces hommes n'ont aucune formation militaire, aucun sens de la stratégie, de la tactique, voire de la hiérarchie, qu'ils ont été levés pour défendre leur quartier et que, pour la plupart d'entre eux, les secteurs dans lesquels on les a conduits sont totalement inconnus et ne signifient strictement rien.

Un certain Ducatel se promène

le traître Ducatel pendant la commune de 1871
Les heures passent. Au début de l'après-midi, le concert commence à la Concorde. Cent cinquante musiciens y sont réunis sous la baguette du citoyen Delaporte. Pendant ce temps, au bastion du Point du Jour, un certain Ducatel se promène. C'est un modeste fonctionnaire des Ponts et Chaussées, et il habite le quartier d'Auteuil. C'est aussi un indicateur. Depuis une quinzaine de jours, il est en rapport avec l'armée versaillaise du général Douay. Il sait que les remparts sont vides.
A l'aide d'un râteau et d'un linge, il improvise un drapeau blanc, l'agite en direction des lignes versaillaises, et reçoit en guise de réponse un coup de canon qui le précipite dans la poussière. En face, cependant, se trouve un officier de marine du nom de Trève, qui comprend le manège et qui s'avance vers Ducatel. Celui-ci lui dit: « Voyez, il n'y a personne, vos troupes peuvent entrer.» Trève, afin de vérifier, fait avec son informateur le tour des bastions voisins puis regagne les positions versaillaises pour rédiger un télégramme à l'intention de Douay:
« Faites entrer vos troupes, nous sommes dans Paris. »
Le général, dont l'esprit de décision fait plaisir à voir, en réfère à M. Thiers.
Et l'on attend. On attend que l'ordre arrive à deux bataillons de jeter un pont de planches sur le fossé du bastion. Ils pénètrent dans l'enceinte, enfin suivis des éléments de trois divisions, celles des généraux Berthaut, Lhérillier et Vergé. Dans la soirée, le 5e corps d'armée du général Clinchant et le 2e corps du général de Cissey pénétreront respectivement par la porte de Saint-Cloud, au nord de la Seine, et par la porte de Versailles, au sud.

Louise Michel à Montmartre

Barricade de la Commune en 1871
Dombrowski a envoyé Louise Michel à Montmartre pour y faire hâter les préparatifs de défense.
Échevelée, poussiéreuse dans sa robe de deuil en loques, la farouche institutrice fait jurer aux vieux braves de son quartier qu'ils feront sauter la Butte; puis, avec un détachement du 61e, elle va prendre position au cimetière, près de la tombe de Murger. Ce n'est qu'à l'aube que se déchaînera l'artillerie, jusqu'alors muette; et les éclats des obus fauchant les branches couvriront de fleurs la Vierge rouge.
Ce répit nocturne se paiera cher. Dès le soir du 21, d'un élan, Clinchant et Ladmirault pourraient foncer vers les boulevards, bousculer les défenseurs des barricades, surprendre les embusqués des bistrots. Thiers et Mac-Mahon les arrêtent, l'un parce qu'il a « son » plan, l'autre parce qu'il surestime des défenses aujourd'hui illusoires, demain redoutables. Pour que soient respectées les règles de l'art militaire, Paris flambera...

Organiser la défense

L'état des communications est tel qu'il faudra trois heures à la Commune pour apprendre l'événement. Lorsque le messager, envoyé d'Auteuil, arrive à l'Hôtel de Ville, on est en plein dans le procès de Cluseret, et les choses tournent bien pour lui puisque Vermorel est en train de déposer en sa faveur. C'est le membre le plus récent du comité de Salut public, Billioray, qui interrompt le débat. Il est très pâle lorsqu'il donne lecture de ce message:
« Dombrowski à Guerre et à comité de Salut public: mes prévisions sont réalisées. La porte de Saint-Cloud a été franchie à 4 heures par les troupes versaillaises. Je rassemble mes forces pour les attaquer. J'espère les rejeter de l'enceinte avec ce que j'ai d'hommes. Envoyez-moi cependant des renforts. De graves événements ne doivent pas nous décourager. Conservons surtout notre sang froid. Rien n'est perdu encore ! Si, par impossible, les Versaillais restaient en possession de cette partie du rempart, nous ferions sauter ce qu'il y a de miné et nous les tiendrions en respect de notre seconde ligne de défense, appuyée sur le viaduc d'Auteuil. « Restons calmes et tout sera sauvé. Nous ne devons pas être vaincus! »
Un silence consterné suit cette lecture. Les membres de la Commune cachent leur angoisse et leur incertitude derrière une attitude digne de l'antique: Jules Vallès ne lève pas la séance. On achève le débat sur le citoyen Cluseret qui est acquitté par 28 voix contre 7. Sans rancune, il vient remercier ses pairs.
Puis, sans avoir pris de décisions spécifiques sur le plan militaire (on ne voit d'ailleurs pas quelles décisions
ils auraient pu prendre) les membres de la Commune se séparent pour se rendre chacun dans son arrondissement respectif, afin d'y organiser la défense.
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